A mon oncle
Né le 10 juin 1914 à Valréas (Vaucluse), exécuté le 12 juin 1944 à Valréas (Vaucluse) ; imprimeur ; Francs-tireurs et partisans (FTP).
Fils de Casimir, lithographe, et de Alix Salvia, sans profession, imprimeur à Valréas, Alfred Buey, était membre des FTP. Il participait au mouvement insurrectionnel qui contrôlait le secteur de Valréas depuis le 8 juin 1944.
Il fut fait prisonnier à l’extérieur de la ville et fit partie des cinquante résistants ou otages exécutés par l’armée allemande et ses auxiliaires de la 8e compagnie Brandebourg, le soir du 12 juin 1944. Mortellement blessé lors de la fusillade, il mourut la nuit suivante à l’hôpital.
Il fut décoré de la Médaille de la Résistance à titre posthume le 17 décembre 1968.
Vérité d'une résistance, vérité d'une mort tragique, vérité d'un jour d'anniversaire qui n'en fut qu'une tragédie.
Il viendra à la vie en cette grande guerre , le 10 juin 1914, celle où son père était comme parmi tant d'autres des humains devenant de la chair à canon, des infimes êtres sous des bombes qui les détruiront au cœur de leurs âmes de combattants d'une jeunesse perdue.
Son père survivra, communiste, il deviendra un autre combattant contre ces guerres injustes, où seul le capitalisme peut s'enrichir sur le dos d'une humanité qui n'en est pas. De ses lettres typographiques qu'il déposera sur un support pour faire ressortir un texte, au départ en relief, donnera la lecture qui se veut la communication que devrait avoir toute personne en connaissance de base, afin que chacun en soi puisse comprendre ce que veut dire un texte, une lecture et donner l’espérance d'apprendre ce que d'autres voudraient nous cacher.
Comme son père, il imprimera des pages et des pages d'écriture à la connaissance de tous, sauf qu'un jour, un jour de capitulation d'autres ont décidé pour tous. Ils ont décidé de faire imprimer leurs idées, leurs « ordres », leurs soumissions à une force d'occupation. Il ne fallait lire que ce que l'on nous imposait pour une vie autre que celle que l'on avait choisi. Ce n'était plus la bonne lecture, celle qui devait donner espoir de lire sans se soucier, mais celle qui devait donner « espoir » à un peuple dominé par la grandeur idéologique d'un homme soutenu par celui qui avait été un grand homme de guerre, Philippe Pétain, et même s'il n'était pas sur les champs de batailles de cette grande guerre, il était reconnu en tant que tel ; de ses ébats amoureux il s'en est fait un héros de guerre.
Alors, comme tout homme qui veut garder son honneur, l'imprimeur élevé dans la structure ouvrière, ne pouvait se soumettre à publier de tels écrits qui n'allaient pas dans le sens de ses valeurs que lui avait inculqué son père lithographe. Il se devait de résister avec les moyens qui lui étaient donnés, résister à ceux qui pensaient autrement pour leurs biens précieux sous l'influence d'une idéologie nauséabonde, qu'il n'avait loin de là épousé, mais bien rejeté.
Il entra en résistance sans arme, car les armes de guerre sont meurtrières et tuer n'a jamais été l'ivresse de sa famille si ce n'est par obligation, par ordre donné.
Son arme à lui, c'était cette machine qui sentait l'encre, qui s'emballait d'un élan pour imprimer, des « tacs-tacs, tacs-tacs » sons qui couvraient la voix de l'imprimeur habillé de son tablier noir, taché d'encre. Des « ouvrages » sortaient , telles des entêtes de lettres, des publicités, des bons d'achats, de vente etc. Un ensemble de papiers d'une vie qui se devait être plaisante, même si le travail pénible parfois, n'était qu'une liberté bien acquise après cette sale guerre de 1914-1918. On revivait, par le sacrifice !
Il entra en résistance, confectionnant des tracts, des faux documents d'identités pour que des jeunes ne subissent pas le Service du Travail Obligatoire qui leur était imposé en Allemagne. Il se devait comme d'autres Compagnons Imprimeurs de s'engager avec ses propres moyens à « combattre » l'ennemi, la collaboration. C'était une « résistance » non sans danger, la confiance d'un côté mais bien la méfiance autour de soi.
Avant le drame, le sacrifice, la terreur, l'horreur, l'occupation de Valréas décidée par les chefs de « guerre », les chefs civils, faisant suite au débarquement sur les côtes normandes le 6 juin 1944, cette ivresse des grands chefs de mettre en œuvre une pression combattante sur l'envahisseur, l'occupant et ses collaborateurs. La Résistance prenait les armes !
Mais combien était-il armé ? De quelques pétoires, pistolets, fusils-mitrailleurs au compte goutte, résistants dont certains avaient connu la première guerre, d'autres anciens militaires et puis tous ces jeunes et moins jeunes cachés dans les maquis venant grossir les effectifs avec leur moyen, leur formation « guerrière » de quelques jours. Mais ils étaient là, à répondre à l'appel de résister !
Ils n'avaient certainement pas conscience de ce qui les attendait, face à eux une armée aguerrie des combats de Russie, des atrocités vécues dont ils étaient pour la plupart les acteurs de l'ignominie.
Ces résistants, dans leur cœur, de leur sang qui coulait dans leurs veines, ils n'avaient dans leurs engagements l'ivresse de libérer leur pays, sans chercher à comprendre, ce que la hiérarchie combattante savait et bien souvent leur cachait.
L'ordre est donné, les barrages sont mis en place aux entrées de la ville. Un jeune hisse le drapeau France, drapeau de la liberté, d'une main il tient un vieux fusil, une dame s'en inquiète, la réponse est jovial, sans peur ; « il faut bien défendre son pays ».
Notre imprimeur entraîné par l'élan de résistance, laisse éteindre sa machine dont l'encre est encore fraîche, avec des camarades, il rejoindra les combattants-résistants. Une arme à la main, un pistolet, bien maigre défense, mais il était armé, prêt à faire face à l'ennemie, prêt à se sacrifier, comme bien d'autres.
Puis vint, ce 12 juin 1944, il venait de fêter ses 30 ans le 10 juin, avec ses camarades imprimeurs-résistants, ils avaient certainement bu un verre, dans la joie des jours sombres de cette seconde guerre assoiffée de dignitaires capitalistes !
Avait-il une « chérie » ? Il était célibataire, beau garçon, élégant, élevé dans la dignité comme son frère et sa sœur par leur belle-mère. De leur enfance, la mort de leur maman de la grippe espagnole, trop jeunes ils en avaient aucun souvenir. Encore un drame, que la vie bien souvent vous attriste, mais aussi vous forge un caractère.
Ce 12 juin 1944, des renseignements font état que les troupes allemandes se dirigent sur Valréas, elles sont en nombre, plus de 1200 soldats accompagnés de chars et automitrailleuses, face à quelques combattants peu chevronnés et loin d'être en force de résister à cette armada de guerre. L'ordre de repli est donné, malgré quelques réticences de certains chefs. La communication entre les barrages était loin d'être fiable, pas de radio, si ce ne sont des « estafettes », hommes à motocyclettes ou à bicyclettes pour communiquer d'un poste à un autre. Mais l'ordre ne parviendra pas à un barrage !
Les allemands entre dans la ville, le repli se fait en débandade, chacun cherche son salut. Malgré cela des victimes au hasard des tirs de l'ennemi, puis vint les prisonniers, résistants-combattants du barrage « oublié », rejoints par des otages civils pris dans la nasse des soldats de la Wehrmach.
La terreur est entrée dans la ville, les habitants sont confinés sur la place de la mairie, autour d'eux, leurs bourreaux. Femmes, enfants, vieillards attendent leur sort. Sachant ce que cette armée en débandade, acculée par les libérateurs venant d'outre-Manche et de la Force Française Intérieure (F.F.I.), ne laissera rien sur leur passage, si ce ne sont des pleurs.
Maire, femmes de la Croix-Rouge, feront en sorte d'éviter un tel massacre perpétré 2 jours avant sur la commune d'Oradour-sur-Glane et bien d'autres communes. Mais ce « compromis » est loin d'atténuer la peur d'une population abandonnée aux mains de l'ennemi. Éloignés de la commune, dans les divers maquis, chefs combattants, résistants et jeunes réfractaires au S.T.O., ne peuvent imaginer la situation, dans cette ville qu'ils occupèrent pendant 3 jours. Les troupes de la Wehrmach, composée d'une unité de Brandebourgeois, sévissant dans tout le Sud de la France, dont leurs actes inqualifiables ont suscité nombre d'effrois, ne peuvent que s'interroger sur le devenir de cette occupation allemande.
Ce 12 juin 1944, notre imprimeur, résistant-combattant aura comme compagnons de la dernière heure, 45 otages résistants et civils alignés devant le Mur de la mort.
Malgré une fois encore l'intervention du Maire et du personnel de la Croix-Rouge, leur sort était aux mains du peloton d'exécution. L'un après l'autre, leur corps était criblé de balles, leur sang se déversa le long du mur, se mélangea aux uns et aux autres pour n'en faire qu'un, le sang du sacrifice. Le coup de grâce leur fut infliger par un ou plusieurs officiers qui par la suite n'ont pas eu le courage de reconnaître leurs actes. Cependant , cinq survivants ressortiront de cet amas de chairs sanglantes. Notre imprimeur en fait parti, les secours qui interviendront pour dégager ces cinq corps malgré l'interdiction par les exécutants de ce massacre de ne pas toucher aux terroristes-fusillés, ne survivra pas à ses blessures.
Par cet acte meurtrie, la population fût sauver.