La médaille et le diplôme de Justes parmi les Nations à Fernand et Émilie Devès
La famille Devès, de la Résistance jusqu'à la mort de leurs neveux Fernand et François.
À Bollène, Fernand et Émilie Devès ont fait parti de ces nombreuses familles dans le Vaucluse qui n'ont pas hésité à protéger deux familles Juives persécutés par l'idéologie nazie. Une famille qui s'est investie contre l'ennemie jusqu'à la mort de leurs neveux Fernand et François Devès, fusillés le 12 juin1944 à Valréas après avoir rejoint la Résistance.
« 11 juin 1944, départ de Nanou et François pour passer dans la résistance à Valréas. Ils avaient déjà tenté à Lyon, à St Rémy d'où on leur avait dit de se rendre à Valréas et il leur tardait d'y être. Ils n'ont pas voulu prolonger leur séjour chez nous, comme nous aurions voulu. »
Extrait du Journal d’Émilie Devès (Livre Valréas se souvient - Familles des Fusillés)
Lors de la remise de la médaille et du diplôme au Camp des Milles.
Allocution de Floriane Lambert
M. Alain Chouraqui,
Mme la Consul général d’Israël,
M. le sous-Préfet d’Aix-en-Provence,
Chers amis,
Je tiens tout d’abord à remercier Monsieur Serge COEN du Comité Français pour Yad Vashem pour sa disponibilité, sa réactivité, mais aussi pour avoir choisi le camp des Milles, lieu d’histoire et de souffrance et aujourd’hui lieu de souvenirs.
M. Alain Chouraqui, Président de la Fondation du Camp des Milles – mémoire et Éducation, pour avoir permis la tenue de cette cérémonie ici.
Monsieur Dinesh TEELUCK et Mademoiselle Magdalena Wolak, du Site-mémorial du camp des Milles, pour avoir organisé cette grande cérémonie aussi symbolique et chargée d’émotion. Je suis touchée par tant d’honneur.
Merci à tous ceux ici présents.
Je pense que l’on peut féliciter et remercier les professeurs et les élèves du lycée Lucie Aubrac de Bollène pour le film remarquable et si émouvant, qu’ils ont réalisés. Nous n’en avons vu (verrons) toutefois qu’une partie, mais je vous assure qu’ils ont fait un excellent travail.
Parmi les professeurs se trouve Madame Pfleiderer. Je suis heureuse qu’elle soit avec nous aujourd’hui car elle est allemande. Bien sûr, de nos jours l’Allemagne est un pays ami. Malgré tout, la présence de Tina a une haute valeur symbolique.
Je demande à tous ceux qui ont connu Papa et ma tante Étiennette, d’avoir une pensée pour eux, ils me manquent tant surtout aujourd’hui. Ils auraient été si fiers de leurs parents.
Il est vrai qu’il m’est difficile de prendre la parole, tant je suis touchée par ce Grand Honneur rendu à mes grands-parents et émue de la démarche d’Édith et Rose Margolis.
Mes grands parents …
Mon grand père était un homme travailleur, patient et foncièrement bon.
Ma grand-mère, très ouverte d’esprit, était une catholique pratiquante qui « aimait son prochain comme elle-même ».
Elle était toujours disponible pour aider, soigner et soutenir les personnes dans le besoin.
Aussi, quand Léo Rattenbach, soldat polonais habitant Bollène, leur a demandé s’ils pouvaient héberger la famille Sapir, ainsi qu’Édith et Rose Margolis, tous juifs Polonais, ils leur ont tendu la main, tout simplement.
Pour eux, c’était naturel.
Quand j’ai reçu le mail d’Édith, le 22 mars 2014, m’annonçant qu’elles avaient adressé à YAD VASHEM de Jérusalem, une demande pour que mes Grands-Parents soient élevés au titre de Justes parmi les Nations, j’ai été extrêmement bouleversée.
Tous ces événements datent de plus de 70 ans. Durant ces nombreuses années elles ont vécu, travaillé, se sont mariées. Rose a eu des enfants.
Le temps a passé et pourtant elles n’ont pas oublié, malgré le poids des ans,
(je sais c’est incorrect de dire l’âge d’une femme… mais, chut ! ! ! ne le répétez à personne, Rose aura 95 ans au mois d’avril, et Édith, 99 ans au mois de septembre) elles ont eu la volonté et l’énergie d’entreprendre toutes ces démarches.
Je leur suis extrêmement reconnaissante.
Ce sont des personnes si touchantes, si adorables.
Nous gardons un merveilleux souvenir de notre voyage à Chicago, au mois de mai 2014.
Elles nous ont reçus, mon mari et moi-même à bras ouverts.
Les filles de Rose, Rhonda et Marianne, se sont beaucoup occupées de nous.
C’est Notre famille de Chicago.
Je vous assure qu’il nous a été très difficile de les quitter.
J’aurais tant aimé qu’elles soient avec nous aujourd’hui, même si je suis consciente que ce n’était pas possible.
Isaac Levendel, qui les représente en ce 13 mars, nous a, pendant toute une journée, fait visiter Chicago, où il vit.
Un très bon souvenir. C’est un homme si érudit et à la fois si simple.
Sachez qu’il a fait le voyage seulement pour pouvoir être avec nous.
MERCI de tout coeur ISAAC.
Je suis très heureuse qu’Esther SAPIR, veuve de Luteck, David leur fils, Nathalie et leurs enfants soient présents.
Là aussi, c’est une jolie histoire.
Je les ai retrouvés en février 2014.
Nous nous sommes rencontrés au mois d’avril de la même année, car ils sont tous venus à Bollène.
C’était la première fois que nous nous rencontrions et pourtant nous avions tant à partager que nous avions l’impression de nous connaître depuis toujours.
Vous savez, cette médaille et ce diplôme que nous recevons aujourd’hui, mes filles et moi, au nom de mes grands-parents, pourrait être une fin en soi, puisque c’est pour les remercier, les honorer d’un acte passé.
Je ne veux pas qu’il en soit ainsi.
Je ressens cette cérémonie comme une transmission, un message d’amour, un partage.
Pour mes grands-parents, qu’importaient la religion, les origines, les couleurs de peau, ils avaient en face d’eux un être humain et seul cela avait de l’importance.
C’est le message que je voudrais faire passer, en cette période où il y a tant de haine, de rejet de l’Autre parce qu’il est différent.
N’oubliez jamais, que chez tous les hommes les larmes sont identiques.
Je pense que mes grands-parents seraient très heureux que leur histoire aboutisse à cette fraternité, cette amitié, ce partage et surtout cette transmission aux nouvelles générations.
MERCI
Allocution d’Édith et Rose Margolis
Émilie et Fernand Devès
Nous souhaitons adresser un message de bienvenue à la famille de Florianne et Jean-Pierre ainsi qu’à tous ceux qui sont venus prendre part à cette cérémonie. Quand je dis « nous », il s’agit de Rose et de moi, Édith. Il s’agit aussi des filles de Rose, Marianne et Rhonda, et de leurs époux, Léon et Alan (Bogie), et de 3 petits-fils et d’une petite-fille, et de 2 arrière-petits-fils et d’une arrière-petite-fille.
Nous tenons à vous remercier, vous qui êtes venus en personne honorer Émilie et Fernand Devès à l’occasion du décernement du titre de Justes parmi les Nations. Notre gratitude va aussi à ceux qui ont contribué à faire une réalité de cette cérémonie qui nous tient tellement à cœur.
Malheureusement, il nous a été impossible de nous déplacer. C’est pourquoi nous sommes représentés par notre grand ami, Isaac Levendel, qui est devenu un membre de notre famille. Enfant du Pontet, il a lui-même survécu à l’invasion nazie. Il connaît très bien la
précarité de notre situation et les détails de notre itinéraire ainsi que la conduite héroïque d’Émilie et Fernand Deves qui ont sauvé nos vies à leurs risques et périls. Leur dévouement
incommensurable nous a touchées pour la vie.
Dans le Bollène de 1942 qui comptait 5000 habitants, Émilie et Fernand ont décidé non seulement de prendre soin de leur famille, mais aussi de nous recevoir et de nous protéger pendant la période la plus dangereuse et la plus triste de notre vie.
Leur dévouement pour notre sécurité continua sans répit de 1942 jusqu’à la fin des hostilités en août 1944. Ils nous ont protégées contre les lois de Vichy et contre la police allemande et leurs collaborateurs. Leur courage et leur présence d’esprit nous ont permis plusieurs fois d’échapper à un danger imminent. A la Libération, Rose et moi, nous avons commencé à travailler
au Quartier général de l’armée américaine à Marseille où Rose fit connaissance d’Al. Ils se sont mariés en août 1945. La réception eut lieu dans le jardin de la maison Deves.
Les soins et l’amour d’Émilie et de Fernand sont encore gravés dans nos cœurs. En 1980, Rose, Al et moi, nous sommes allés à Bollène remercier Fernand encore une fois. Il nous a dit : « J’ai fait ce qu’il fallait faire ». Une preuve de plus de la modestie de cet humanitaire.
Le 28 juin 2015, une cérémonie a eu lieu au Musée de la Shoah et Centre d’Éducation dans l’état de l’Illinois. Une plaque au nom de Fernand et Émilie Devès, France a été posée sur le Mur des Justes à l’extérieur du Musée, à l’endroit même que Florianne et Jean-Pierre
avaient visité en 2014.
Le Consul de France et le Directeur des Relations Publiques du Consulat d’Israël à Chicago, entre autres, ont salué le dévouement et le courage d’Émilie et de Fernand.
Pendant ces temps difficiles, il est bon de se souvenir de leur humanité et de la faire revivre.
Édith et Rose