Valréas, controverse sur le prolongement du Mur des Fusillés
Il est de bon aloi de rappeler que l'association des Familles de Fusillés du 12 juin 1944, qui a pris la relève du Comité des Monuments aux Morts, se voit d'être l’interprète de ce moment tragique et par ces diverses interventions qui perdure depuis, et à chaque fois qu'il est nécessaire de rappeler son engagement pour que le souvenir demeure et ne soit pas effacé, ou entaché de contradictions qui ne sauraient qu'affaiblir ce qu'elle a toujours su défendre de président en président, d'année en année et ce depuis plus de 75 ans.
Cette longue liste de correspondance, de réunions, concernant la défense du Mur des fusillés se doit d'être inscrite sur ces pages, afin que nul n'oublie, l'action que cette association a su mener et n'a jamais baissé les bras, même si parfois des désaccords se sont mis en travers, le rebondissement a été tout à son honneur.
Une première correspondance.
Le 25 mai 1970, Joseph Coutton, l'un des quatre rescapés de la fusillade adresse au Maire Jules Niel et à son Conseil municipal, une lettre en ces termes :
Le Comité qui a érigé le Mur aux Fusillés et le Mausolée au cimetière s'est dissous de lui-même par manque d'effectifs représentatifs à la suite du décès ou du départ de la plupart d'entre eux. Vous avez accepté de prendre le reliquat de la caisse et vous vous êtes engagés à entretenir et à assurer la conservation de ces monuments.
En janvier 1969, la commission de la « Voirie » me demande mon opinion sur une idée émise concernant la troisième partie de l'encadrement du mur, cette partie étant souvent démantelée, il serait peut-être bon de la supprimer. Ma réaction et celle de mes camarades rescapés a été la suivante : NON.
Voici trois mois, convoqué avec Messieurs Lamy et Soureillat devant les membres de la Commission de la Voirie, la question est à nouveau posée : Monsieur Clarice redemande la suppression de ce troisième encadrement afin de permettre l'installation d'un commerce de machines agricoles ; ma réponse a été claire : NON.
Monsieur Soureillat est indifférent. Quant à monsieur Émile Bouchet, convoqué par mes soins, il serait d'accord pour enlever ce troisième encadrement à condition expresse que le propriétaire s'engage par écrit à ne pas toucher au reste, c'est à dire aux deux autres façades et à leurs encadrements.
Aujourd'hui, où en sommes-nous ? Les travaux ont commencé et à la suite de ma protestation, à votre dernière réunion du Conseil Municipal, vous avez fait arrêter les travaux, nommé une commission pour étudier ce qu'il était possible de faire.
Maintenant, sans avoir consulté les familles de Fusillés, sans accord du Conseil Municipal, les travaux ont repris (il est vrai, le rouge a été remplacé par le gris, le troisième encadrement doit-être condamné et malgré un projet d'embellissement, il n'en reste pas moins vrai que je considère que vous n'avez aucune garantie pour la protection de ce qui restera.
Quoique vous fassiez, vous avez détruit à jamais le respect dû au mur des Fusillés dont l'aspect n'aurait jamais dû être modifié.
Vous n'avez pas tenu vos engagements.
Je ne puis admettre que vous ayez laissé profaner un lieu sacré pour des questions d'intérêts.
Monsieur Clarice, à l'achat de sa maison, n'ignorait pas la tragique utilisation de la façade de celle-ci. Si la loi le rend propriétaire des murs, elle ne le dispense pas des servitudes.
D'autres part, qui a donné l'accord pour cette transformation et implantation de commerce, opérations régis par les lois en vigueur ?
Ils sont mort morts pour que vive la France... et non pour que d'autres s'enrichissent.
Le Mur doit être intégralement respecté, il en est encore temps. A vous de décider.
Quant à moi, dans le cas où vous maintenez ce que vous avez entrepris, j'ai le regret de vous signifier que je ne participe plus à la cérémonie du 12 juin, en tête du cortège. (Une suggestion : le porte-drapeau pourrait bien être monsieur Clarice!)
Monsieur le Maire, Madame, Messieurs, croyez bien que je regrette d'avoir à vous écrire tout cela, mais, en conscience et en souvenir de mes camarades disparus, j'avais le devoir de le faire.
Joseph Coutton
Fait à Valréas le 25 mai 1970
P.S. Il est possible que je communique cette lettre à la presse.