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Valréas 12 juin 1944 - 53 fusillés

A Valréas, on ressasse le passé pour qu'il ne revienne pas !

11 Mai 2020, 14:43pm

Publié par 12 JUIN 1944 VALREAS

Le Mur des Fusillés - Photo Laurent Frasson

Le Mur des Fusillés - Photo Laurent Frasson

Je fais parti de ces familles Valréassiennes dont l'un de ses membres si ce n'est deux pour d'autres ont été fusillés, mais aussi provenant d'autres communes, car il n'y avait pas que des Valréassiens qui ont été fusillés.

Dans bien de ces familles, du moins pour la notre, notre maman ne parlait pas de cette tragédie, c'était son frère Alfred, mais rien ne sortait de sa bouche, et nous, nous n'avions pas le courage de poser des questions. Enfant, nous étions présents à chaque cérémonie.

Il aura fallu attendre 16 ans d'absence pour vie professionnelle , de retour au pays, pour prendre contact avec l'association des familles de fusillés, présidée de 1974 à 1992 , par madame Josette Pradelle , ancienne institutrice et représentant son frère Charles Borello, fusillé ce 12 juin 1944.

Et, c'est là, qu'à travers tous ses adhérents, rescapés-fusillés, résistants, déportés, familles, j'ai su.

J'ai su à Valréas, au fil des ans, j'ai écouté, j'ai aussi avec modestie posé des questions, mais il fallait que çà vienne de leur cœur, ne pas les bousculer, ne pas raviver une mémoire douloureuse et pourtant ils avaient besoin de parler, plus ou moins de se « confesser », pour que plus jamais cela ne revienne.

Je me suis engagé, tout doucement, de trésorier-adjoint, secrétaire-adjoint, puis secrétaire, Vice-président, pour prendre la place de Président après la disparition de notre regretté Joseph Coutton, le dernier des fusillés-rescapés. Je lui avais promis une plaque au mur avec son nom et celle des trois autres fusillés-rescapés, le plus tard possible. Elle y est depuis, ils le méritaient, ils y étaient eux aussi, face contre le mur à attendre la mort. Ils ont survécu, malgré le « coup de grâce » et on fait en sorte que l'on oublie pas.

Il a été mon mentor pendant toutes ces années, puis malheureusement il a disparu en ce novembre 2003. Il m'a beaucoup appris sur ce 12 juin, mais il m'a aussi apporter les valeurs de défendre cette tragédie. C'était une personne à qui on ne pouvait dire non, même pas les différents maires de Valréas qui se sont succédé. Il n'avait pas besoin de rendez-vous, il se présentait directement au bureau du Maire, quand il y avait quelque chose qui n'allait pas.

Son Mur, oui, c'était son Mur, c'était tous ses camarades fusillés, résistants et otages, domicilié pas bien loin, quand il passait, il avait toujours un regard, ne serait-ce un mot, pour eux, vers ce Mur qui l'a vu mourant, mais bien vivant par la suite. Il ne pouvait oublier et même il se demandait : pourquoi moi ?

Je l'ai peut-être un peu trop « fréquenté », un peu trop reçu à la maison quand il avait besoin d'écrire une lettre, il venait sans prévenir ou presque, sur ce, j'ai certainement attrapé sans le vouloir son comportement, sa niaque de défendre à tout prix ces fusillés, cette famille qui nous est si chère, sans distinction de résistants ou d'otages civils.

Leur sacrifice, ne vaut-il pas un peu de sacrifice de notre vie, pour ne pas les oublier ? Pour transmettre même plus de 75 ans après cette horrible journée du 12 juin 1944, fût-elle très ensoleillée, sous une lourde chaleur, pour finir dans la froideur d' un bain de sang mélangé entre eux, nous laissant entendre au loin notre liberté !

Et puis, si on ressasse ce passé, c'est bien pour qu'il ne revienne pas. Aujourd'hui nous avons une « guerre » déclarée, faisant des morts et comme dans ce passé, une défense avec un manque de matériel, de moyens, de lieux, avec un manque de personnel, seule solution trouvée, enfermer son peuple pendant deux mois et qui sait plus. Heureusement, comme dans le passé, malgré une collaboration qui voulait une soumission de ce peuple, la résistance s'est fait entendre, les soignants et tous les services qui sont autour, du Professeur en passant par l'infirmière à l'aide familiale, de tous celles et ceux qui se sont engagés pour qu'une vie économique soit-elle minime puisse se poursuivre, malgré les dangers qui les guettaient, oui, bien de ces « combattants » ont laissé leur vie, pour que nous puissions, nous, vivre encore, et surtout n'oublions pas ces dizaines de couturières de notre enclave, fabriquant les masques qui nous auraient été utiles dés le début de cette "guerre". Alors, si une fois encore la France s'en sort, c'est bien les Français engagés qu'il faut applaudir, mais surtout tous ces engagées qu'il faudra défendre par la suite.

Michel Reboul

 

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