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Valréas 12 juin 1944 - 53 fusillés

Le Mur - Poème de Léo Reyre

3 Mai 2022, 05:40am

Publié par 12 JUIN 1944 VALREAS

Le Mur - Poème de Léo Reyre

Le Mur

 

N'y a-t-il quelque part, incrustée dans le Mur,

Une balle tirée plus haut que sur les hommes ?

Malgré la barbarie, un acte humain en somme !

Une pierre brisée, peut-être une fêlure ?

Un indice prouvant qu'au milieu des bourreaux

Quelqu'un aurait tiré ailleurs que sur les cibles ?

Quelqu'un du peloton qui aurait tiré haut

refusant la tuerie de manière ostensible ?

Hélas, on ne voit rien plus haut, aucun indice.

Nul soldat n'a tremblé à l'instant supplice.

Ils ont passé chez nous comme passe la foudre.

On ne peut oublier et rien n'est à absoudre.

 

Depuis quarante-cinq ans, l'acte est impardonnable,

Et le cœur douloureux des vieux Valréassien

Se serre chaque fois lorsque le 12 juin

Fait revivre un ami qui venait à table,

Où quelqu'un qu'ils croissaient sur le bord du chemin,

Un parent.... ou quelqu'un qui était leur voisin...

La vision de l'horreur serait-elle effaçable ?

 

Quand on est enfant, l'esprit est peu sensible

A ce qui terrorise, aux peines, aux malheurs.
On a ses petits jeux, ses lectures paisibles,

Ses copains, ses amis, ses frères et ses sœurs.

Pourtant, Quarante-cinq ans après l'atroce drame,

Mes nuits sont quelques fois traversées par les bruits

Des bottes dans la rue et j'entends les fusils,

Le râle des mourants... je vois comme les flammes.

Quarante-cinq ans, c'était hier, j'en suis témoin.

Je revois les voisins fuyant vers la campagne,

Chassés de leurs maisons par l'effrayant tocsin.

Ils sont silencieux et , seuls , hurlent les chiens.

Je vois un cabanon et, au loin, la montagne ;

Je vois des champs dorés pleins de coquelicots

Et, sur l'arbre, encore verts, je vois des abricots.

Puis, je vois un soldat qui défonce la porte,

Et d'autres allemands qui fouillent le jardin.

A un moment, l'un d'eux pose sur moi sa main,

Sourit puis disparaît avec sa sombre escorte.

Je revois un français que je ne connais pas

Qui avance, hébété, poussé par un soldat ;

J'entends dans le lointain comme un bruit de combat

Et des balles perdues qui sifflent sur le toit.

 

Après, le vide noir, mais ce n'est pas l'oubli :

Je n'avais que cinq ans : je me suis endormi

 

                   Léo REYRE 

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