Allocution du Président des familles de fusillés le 12 juin 2014
Monsieur le Directeur de l'Office National des Anciens Combattants, représentant le Préfet
Monsieur le Maire de Valréas
Mesdames et Messieurs , chers enfants
70 ans se sont écoulés depuis cette horrible journée. 70 ans déjà... 70 ans pas plus...
70 ans sont passés depuis cet ultime sacrifice . On pleurait le 12 juin 1944, avec la fierté dans l'âme, car on espérait que le don de leur vie rendrait la nôtre plus belle et plus heureuse.
Début 1943 , Valréas accueillait de nombreuses familles Juives entre autre La famille Kaminker , la mère et ses trois enfants dont la fille sous le nom bien connu par la suite Simone Signoret. Le Vaucluse a été un des départements à recevoir un nombre important de Juifs. Dans son livre « la persécution contrariée » Jean-Pierre Kaminker , cite cette phrase :
« J'entends aussi rendre un hommage à la bienveillance , avec laquelle furent accueillies et abrités à Valréas certaines personnes, pour qui les circonstances rendaient cette bienveillance indispensable.....aucune hostilité »
A Valréas et dans sa région, l'activité résistante se développe à partir de 1943.
Une cinquantaine de réfractaire du STO (service du travail Obligatoire ), trouve refuge à la ferme Juliens où se créé le maquis de la Lance
6 juin 1944 date du débarquement alliés sur les plages de Normandie, tous les réseaux de la Résistance Française reçoivent l'ordre émanant de Londres, de sortir de la clandestinité, et d' harceler les troupes allemandes de toutes les façons, afin de retarder au maximum leur remontée vers la Normandie, ce qui va provoquer une terrible répression.
Le 8 juin 1944, ordre est donné d'occuper Valréas
12 juin 1944 , dans la marche d’approche vers Valréas, à Taulignan eurent lieu les premiers incidents avec comme conséquence, 13 tués parmi les résistants et les civils et 5 prisonniers fusillés ultérieurement.
Un bruit assourdissant fige Valréas, la sirène retentit, c’est l’étonnement avant la peur. Deux jours après le massacre du village d’Oradour/Glane, Valréas risque les mêmes représailles. Par la suite on frémit à ce qu'aurait pu se passer, si un seul soldat allemand avait été tué au cours de l'opération.
Depuis la fusillade des trois maquisards le 29 janvier 1944, rue Pasteur, il n'y a plus de soldats allemands à Valréas et on se demande 70 ans plus tard comment les troupes stationnés à Pont St Esprit et à Cavaillon dont la 8ème Compagnie Brandebourg ont été prévenues que la résistance était en ville .Une infiltration probable d'un élément ennemi parmi les résistants.
Dans la campagne des familles, hommes, femmes, enfants, vieillards, sont rassemblées face à un mur et mises en joue puis conduites de force vers la ville.
Le Maire Jules NIEL, destitué mais ceint de son écharpe s’interpose devant l’Officier allemand qui l’informe que la ville va être détruite.
Rassemblée sur la place de la Mairie la population est transite de peur, les enfants sont aussi présents et ici 70 ans après, parmi nous, ils en sont les ultimes témoins. Encerclée par des auto-mitrailleuses et chars braqués sur la foule, du haut du kiosque, un officier allemand harangue la foule, phrases traduites en bon français par un soldat portant l’uniforme allemand. Pendant ce temps là, la horde sanguinaire, poursuit son horrible mission d’abattre sans sommation tout ce qui bouge, dans la campagne, dans la ville.
Encerclée par des soldats de la Wermacht. Seul contre une armée aguerrie un groupe de résistants composé de Francs Tireurs Partisans et de l'Armée Secrète est encore présent sur la route de Baume, les ordres d’un repli ne lui parvenant pas, un résistant Raymond Carrière est touché à mort, un autre , Lucien Genot est blessé , le groupe est fait prisonnier.
Attachés en cercle , l'un Joseph Coutton étouffant sous le poids du fusil mitrailleur auquel la sangle lui a été passé autour du cou, un autre Emile Bouchet dont ses chaussures lui ont été enlevés , rejoignent sous des souffrances qui leurs sont infligées, le quartier le Portalon .
D'autres personnes se trouvant également dans ce lieu ont été arrêtées au hasard des fouilles dans la ville et la campagne.
A ce moment, il est 18 heures, il fait très chaud, comme aujourd'hui, alors commence à nouveau la longue marche funeste vers le lieu de leur supplice, emplacement choisi avec préméditation, puisqu'il se trouve bien en vue du monument aux Morts de la Guerre de 14/18 et à proximité du Quartier général des troupes allemandes l'Hôtel Tomassin.
Alignés face contre le Mur, ne pouvant fixer leurs bourreaux dans les yeux loin d'être un peloton d'exécution qui s'installe derrières les condamnés, mais des exécuteurs qui prennent le temps.
Alors on entend des détonations et l'ont voit tomber quatre corps, entre temps, les bourreaux vont se désaltérer et se laver les mains, comme pour faire durer le supplice, quelques uns rient cyniquement, décrit Edmond LAMY dans le premier fascicule de cette fusillade édité en 1946.
Prenant leur temps ces soldats d'une armée régulière, celle qui a semé tant de massacre dans le Sud-Est de la France, n'auront aucune pitié et qui sait par la suite aucun remords !
Gisant au sol, les victimes , dont leur sang ne fait qu'un.
François avait 18 ans, Fernand 21 ans, le 12 juin 1944 . Cette lettre postée le jour même par les frères DEVES à La Baume de Transit (Drôme), à un ami, Maire de They sur Vaudémont, Meurthe et Moselle, avait dans son contenu une prémonition des actes qui allaient s’avérer fatals .
« Aujourd'hui et pour la première fois et pour des raisons, c'est pour mon frère et moi le grand jour. Tout à l'heure nous serons casés (…) à bientôt de vous voir si encore en vie . En cas de décès vous serez avisés. ».
L'autorité allemande donne l'ordre formel de ne pas les toucher. Ils sont là exposés comme une nature funeste d'une idéologie haineuse.
Avec l'aide de la Croix rouge ; des pompiers et volontaires défiant les ordres, avec un courage magnifique porteront secours aux cinq rescapés, dont l'un d'eux ne survivra pas à ses blessures. Remplacés de nuit par des morts de la campagne. Détachés, attachés, maculés de sang pour les rendre semblables aux autres, c’est une horrible scène, une vision d’enfer, que ces sauveteurs ont le courage d’accomplir. Ils veilleront jusqu’au matin devant ce mur.
Le lendemain 53 corps, 27 résistants et 26 otages civils , furent transportés à la Chapelle des Pénitents Blancs , transformée en chapelle ardente, les familles vinrent reconnaître les leurs.
Voilà l'horrible journée de ce 12 juin 1944, où nombre de familles de fusillés ici parmi nous ainsi que des Valréassiens présents ce jour tragique ne peuvent oublier .
Ne faisons pas de ce 12 juin 1944 le notre , mais celui de toutes les familles de fusillés, résistants et civils , et nous générations d'après faisons en sorte de ne pas oublier et de nous interposer aux mensonges grandissant , et aux propos xénophobes, homophobes d'une certaine voix cynique.
Plus le mensonge est gros, plus le peuple le croira », affirmait Hitler. Il ne faisait qu’amplifier ce que Voltaire disait : « Mentez, mentez, il en restera toujours quelque chose »
Alors si on laisse dire, on laissera faire !