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Valréas 12 juin 1944 - 53 fusillés

Chronique de l'épuration à Valréas, pour le massacre du 12 juin 1944

28 Juin 2020, 10:36am

Publié par 12 JUIN 1944 VALREAS

Chronique de l'épuration à Valréas, pour le massacre du 12 juin 1944

C'est par ces lectures diverses de documents, que l'on peut comprendre au mieux les condamnations légères ou l'amnistie des tortionnaires du 12 juin 1944 à Valréas. Dont celle de Demetrio Helmut, lieutenant de la 8ème Compagnie Brandebourg – C'est par ces lectures que bien des témoins de la partie civile n'ont pu être entendu et par leur témoignage apporter des preuves accablantes sur cette journée, entre autre Jeannine Talmon, infirmière de la Croix-Rouge présente devant le mur lors de la fusillade.

 

Amnistie – Immunité, deux mots qui ont un sens pour les coupables et qui de nos jours se répètent !

 

Chronique de l'épuration – 15 avril 1946

 

Les Cours de Justice

 

Les Cours de Justice ont vécu.

 

Seule, la Cour de Justice de Paris, dont les pouvoirs ont été protégés, ne fermera ses portes que dans deux mois.

Leur naissance avait fait naître de grands espoirs. Longtemps encore sans doute, on discutera de leur utilité, de leurs travaux et de la qualité de leurs arrêts.

Tentons d'établir en toute impartialité le bilan de ce qu'il est possible d'inscrire à l'actif et au passif de ces juridictions, nées de la libération.

Comme toute chose qui n'a pas subi l'épreuve du temps et de l'expérience, les cours de Justice, pendant leur courte existence n'ont pas été à l'abri de tout reproche et de toute critique.

Créées par l'ordonnance du 26 juin 1944, elle-même modifiée par plusieurs textes de loi, les cours de Justice avaient pour mission de réprimer : « tous les faits de nature à favoriser les entreprises de l'ennemi », leur champ d'application était immense.

Composés d'hommes ayant fait leurs preuves dans la résistance, et qui ne devaient compte de leur verdicts qu'à leur conscience, elles semblaient devoir donner satisfaction même aux rigoristes les plus exigeants.

Il est incontestable, qu'au début, de sévères et justes sanctions ont été infligées aux serviteurs de l'ennemi. Le nombre de condamnation à mort en est la preuve.

Malheureusement, l'intransigeante de ceux qui étaient chargés de la répression s'est affaiblie et leur fermeté à progressivement diminué. Est-ce la lassitude, est-ce le trop grand nombre de coupables, est-ce la fastidieuse répétition journalière de ces mêmes faits répréhensibles, petit à petit les sanctions sont venues moins sévères et tel accusé qui en 1944 aurait certainement été condamné à vingt ans de travaux forcés, ne se voyait infliger fin 1945 que deux ou trois années de prison.

On peut relever dans l'organisation et le fonctionnement des cours de Justice, au moins trois lacunes importantes.

La première est la non admission de la partie lésée à l'instruction et à l'audience.

Devant tous les tribunaux répressifs cependant, l'intervention de la partie civile est un droit.

Admis au débats, ceux qui ont été victimes des agissements criminels des collaborateurs, auraient pu par 'intermédiaire d'une voie autorisée, faire connaître aux jurés, leurs souffrances, réfuter par avance les inexactitudes de l'accusé dans la présentation de sa défense, et dans tous les cas obtenir immédiatement la légitime réparation de leur préjudice.

On sait que pour obtenir cette réparation, ils doivent s'adresser aux tribunaux civils, et, avancer des sommes souvent importantes pendant que les condamnés ont de leur côté eu toute facilité pour mettre à l'abri leurs biens.

La seconde est la défense faites aux membres des cours de Justice d'accorder le bénéfice du sursis.

Cette interdiction qui avait pour but de renforcer la sévérité a eu pour résultat d'entraîner de nombreux acquittements, quand il y avait un doute sur la culpabilité ou que la peine était disproportionnée à la faute.

En fin par un singulier renversement des rôles, devant la Cour de Justice, le juge d'instruction était dépouillé de sa prérogative essentielle qui est celle de juger.

Ce n'était pas à lui qui appartenait, bien qu'il ait instruit l'affaire de décider si un prévenu devait être déféré ou non à la Cour. C'est un magistrat du Parquet, que sa qualité d'accusateur privait de la sérénité désirable, qui décidait.

Cet exposé ne concerne que les chambres criminelles des cours de justice. Les chambres civiques et leurs attributions devront faire l'objet d'une étude spéciale.

Il est incontestable que trop de coupables sont passés entre les mailles des filets tendus par une juridiction forcément imparfaite parce qu'exceptionnelle.

Et nous ne parlons pas de tous ceux qui jouissent actuellement de l'impunité la plus complète, en raison de l'inertie et parfois de la complaisance des services de police.

En résumé, les cours de justice n'ont pas satisfait la soif de la justice qui était celle de tous les Français.

Il n'est pas matériellement possible de réviser toutes les décisions rendues, ce serait d'ailleurs injuste.

Nous nous permettons cependant à ce sujet de suggérer ce qui suit.

Ne serait-il pas souhaitable qu'un texte de loi intervienne pour créer une juridiction supérieure qui aurait pour mission de réexaminer et juger à nouveau :

 

1/ Tous les faits justiciables des cours de Justice, quand lesdits faits ont été soumis aux juridictions ordinaires (tribunaux civils ou militaires) avant la création des cours de Justice.

2/ Tous les faits de collaboration qui ont été reconnus établis par les cours de Justice, mais dont les auteurs ont été acquittés ou relevés de l'indignité nationale, sous prétexte de services rendus à la résistance.

3/ Tous les faits de nature à favoriser les entreprises de l'ennemi qu'il y ait eu condamnation ou acquittement, s'il y a eu une partie lésée, et si cette partie, n'a pas été appelée, soit parce qu'elle était retenue en Allemagne, étant entendu que ladite partie lésée le demandera et se constituera partie-civile.

 

René VAUTHIER

Avocat

 

Source : Bulletin de la Résistance numéro 7 – Deuxième année – 15 avril 1946

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