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Valréas 12 juin 1944 - 53 fusillés

Les oubliés de l'histoire

28 Mai 2014, 19:17pm

Publié par 12 JUIN 1944 VALREAS

Les oubliés de l'histoire
De notre histoire à l’Histoire.

Chaque famille, parfois même chacun de ses membres, détient un ou plusieurs « secrets de famille », touchant généralement à un aspect enfoui, ou caché, de son histoire.

Certains de ces secrets disparaissent à tout jamais dans la tombe, d’autres sont révélés avant et viennent, dès lors, bousculer des vérités (ou des mensonges) établies - pour le meilleur ou pour le pire...

N’en va-t-il pas de même pour ce qui a trait à notre société ? Nous qui œuvrons depuis plus de soixante années pour la mémoire et pour le souvenir - de par la nature même de notre Association -avons comme souci, comme obsession peut-être, que l’histoire de nos parents Résistants morts de leur engagement ne soit entachée ni d’oubli ni de déformations ou d’exploitations abusives. Ce légitime scrupule doit être aussi celui des historiens de tous âges, de tous pays, de toutes périodes.

Pour la deuxième guerre mondiale, que les historiens d’aujourd’hui risquent de moins en moins d’avoir eux-mêmes vécue, le problème des sources et de leur traitement est capital : documents divers, archives et, pour encore un temps, témoignages directs (mais à soixante ans d’écart) d’acteurs ou de victimes ; à défaut de direct, témoignages enregistré ou filmés ou filmés à des moments très divers, moments non séparables des conditions de l’époque de leur recueil...

A la lumière des archives qui s’ouvrent - et malgré celles qui demeurent encore inexplicablement fermées (en particulier les archives judiciaires) - d’anciennes « certitudes » évoluent, des estimations se précisent, s’affinent et le travail des chercheur s’en trouve amélioré, même si, à leur tour, leurs conclusions n’ont, elles aussi, qu’une valeur provisoire, approchée. La durée de vie d’une vérité historique n’est jamais éternelle...Les documents d’archives eux-mêmes, pour inédits ou ignorés qu’ils aient été, n’échappent pas, à leur tour aussi, à la nécessité d’un examen critique et de leur contextualisation si l’on veut comprendre dans quelles conditions ils sont apparus.

Le négationnisme ne recule pas devant l’usage de faux mais profite plus encore des silences ou des approximations volontaires. Des chiffres mal établis parfois faute de documentation fiable, par exemple concernant les fusillés ou les massacrés, viennent nourrir de nos jours mensonges et calomnies.

Notre propre expérience, touchant en particulier ( mais pas seulement) au nombre et aux noms des fusillés ( du Mont-Valérien, de Souge, de Balard, de Belle-Beille...), montre que nos efforts de clarifications, de précisions, d’identifications des victimes se heurtent à de puissantes inerties, comme si la résurgence de la vérité historique et des faits avérés venaient contrarier une véritable entreprise d’amnésie visant à faire oublier la Résistance populaire et ses acteurs.

Un exemple ? Madame F..., 83 ans, qui attend toujours que le nom de son mari soit ajouté sur la cloche du Mont-Valérien. Nous avons signalé cet oubli (et il y en a d’autres) depuis plus d’un an, presque deux... Un autre exemple ? depuis la Libération (il y a quand même 63 ans), six timbres ont été émis (à juste titre) en hommage au Maréchal Leclerc, mais aucun en celui du Colonel FFI Henri Rol-Tanguy qui, avec lui, reçu en août 1944 la capitulation allemande à Paris. Hasard ? On a honoré à deux reprise (ce qui n’est pas trop, vu son rôle) Jean Moulin- le courageux Préfet, unificateur des Résistances, mais jamais Georges Guingouin (le « Préfet du maquis » dès l’été 1940 en Limousin), jamais non plus Charles Tillon (chef et créateur des FTP et auteur, le 17 juin 1940, d’un appel à résister à l’occupation et à la trahison).

On pourrait, à ce tableau d’absences, ajouter bien d’autres noms d’ »oubliés » : la mémoire officielle est une mémoire à trous, une mémoire sélective, très orientée, très orienteuse...Ce n’est pas une infamie que de constater, dans la France occupée d’après juin 1940, l’absence d’uniformes chez celles et ceux qui disaient « NON »et se battaient ; et de les voir, ces uniformes, réapparaître en public à l’heure de la victoire, quand les combattants survivants étaient priés, eux, de regagner l’ombre...

Pierre Rebière

Président de l’Association des Familles de Fusillés, Massacrés et leurs Amis (Paris)
8/2/2007

 
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